Deniers coups de pédale sur la carretera austral

Nous approchons peu à peu de la fin de notre périple à vélo sur la carretera austral. Depuis notre départ, nous n'avions pas de certitude quant à la fin de notre parcours. Idéalement, nous voulions aller le plus au sud possible. Pas tout à fait au bout de la carretera - car la dernière partie, selon les informations que nous avions, aurait été trop compliquée avec les enfants -  mais jusqu'à Caleta Tortel pour ensuite prendre un ferry pour Puerto Natales, plus au sud, comme l'avait fait la famille Bru, qui est la famille de cyclos qui nous a donnée l'envie de parcourir cette route à vélo.
Sans compter le fait que ce parcours nous permettrait de profiter au maximum des magnifiques paysages de la Patagonie chilienne, il nous permettrait également un retour plus simple vers l'Argentine, puisque c'est de Buenos Aires que nous nous envolons ensuite vers l'Asie.
Mais ne sachant pas vraiment si il nous serait possible d'aller jusqu'à Caleta Tortel, nous avions également prévu un plan B en allant moins au sud et repassant en Argentine par Chile Chico.
Pendant tout le début de notre parcours, nous étions plutôt partis sur ce plan B car selon notre avancée il nous paraissait difficile de pouvoir être à Caleta Tortel à temps pour prendre le ferry du 5 janvier. En effet, il n'y a qu'un ferry par semaine et prendre le suivant, ne nous laissait ensuite que trop peu de temps pour remonter jusqu'à Buenos Aires.
Et puis en nous rapprochant de la bifurcation où nous devions choisir une direction au l'autre, nous avons finalement choisi de poursuivre plus au sud et de tenter l'aventure jusqu'à Caleta Tortel. Au vu de notre bonne avancée, cela paraissait tout à fait faisable.

Le 1er janvier, nous sommes mis en route avec pour objectif de gagner Caleta Tortel en 5 jours. La veille, nous étions arrivés à Puerto Bertrand trempés jusqu'aux os et totalement frigorifiés à tel point que nous n'arrivions plus à bouger les doigts pour passer les vitesses. Nous avions donc promis aux enfants de faire du stop le lendemain pour leur redonner le moral. A peine quelques km après notre départ, un pick-up s'est arrêté : il pouvait nous avancer de 20 km, les plus durs du parcours, donc nous étions ravis. En plus il s'est avéré que notre chauffeur était le régisseur du parc national Patagonia, le second parc créé par Douglas Tompkins en Patagonie après le parc Pumalin. En bonus, nous avons donc eu la chance d'avoir une "visite guidée" durant le parcours. Et puis au final, il a fait bien plus que nous avancer de 20 km : alors qu'il devait normalement bifurquer pour aller dans le parc, il a fait un gros détour pour nous amener jusqu'à Cochrane ! Génial, encore un exemple de la gentillesse des chiliens ! Cette avancée si rapide, nous permettait d'envisager la suite du parcours jusqu'à Caleta Tortel avec sérénité : plus que 120 km à parcourir en 5 jours : nous étions à l'aise.

Cochrane était la dernière "grande ville" sur notre parcours, ensuite c'est le no-mans land. Plus aucune ville, village, hameau, supermercado... Rien jusqu'à l'arrivée à Caleta Tortel. C'est la première fois du voyage que nous allons rester aussi longtemps coupés de tout centre de vie. C'est à la fois très excitant mais aussi un peu stressant : il faut que nous prévoyions suffisamment de nourriture. En tant qu'adultes, nous pourrions éventuellement supporter d'avoir un peu faim mais avec les enfants, c'est inimaginable. Nous nous sommes aperçus au fil du voyage que l'effort sur le vélo leur donne une faim d'ogre : ils mangent presque autant que nous et toutes les 2 heures environ, il faut leur redonner du carburant ! Nous faisons donc le plein de victuailles et partons chargés à bloc : 30 pains (!), 6 paquets de pâtes, des sauces tomates, du thon, du chocolat, des fruits secs, etc..

Tout ça a des allures de bout du monde..  Mais bon, nous ne sommes pas seuls non plus : nous croisons ici bien plus de cyclistes que sur le début de notre parcours.